Josèphe venait de poser ses valises dans l'entrée. Journaliste de terrain pendant près de dix ans, elle avait tout quitté suite à sa trentième année pour se consacrer à la photographie. Elle avait réussi à se constituer un réseau d'éditeurs et de partenaires ce qui lui permettait de vivre de sa passion. Elle venait de réaliser une série de clichés en France et retrouver son pays natal, l'avait rendu mélancolique. Le vol de retour avait pris du retard et elle s'était retrouvée coincée entre deux bambins déjà sur le point d'être obèses. Entre les crises de larmes, Josèphe s'était remémorée ses jeunes années. Elle avait quitté la France depuis sa rencontre avec Frank, son mari anglais de souche. Ils s'étaient connus suite à une conférence de presse à Londres. L'échange de cartes de visite s'était rapidement transformé en échange d'alliances. Elle fut coupé dans cette rétrospective par l'annonce de l'atterrissage. Ce sera un atterrissage pluvieux pensa-t-elle alors. Maintenant, Josèphe ne souhaitait plus qu'une chose avaler un aspirine et se glisser dans un bain chaud. Mais, à peine eut-elle le temps de se déchausser qu'elle entendit la sirène des pompiers. Il lui semblait qu'elle se rapprochait.
Un peu avant et un étage au dessus, la doyenne de l'immeuble Hortense s'appliquait à tailler son bonsaï. Depuis toutes ces années, elle avait acquis la technique et elle pouvait facilement faire autre chose en même temps. Et ce jour là, comme presque tous les jours, sa deuxième occupation consistait à regarder le paysage que lui offrait le jardin commun. Non pas que ce soit les massifs de roses qu'elles observait, ni même le cerisier en fleur ou encore la volière. Mais, c'est le paysage social qu'elle aimait scruter. Et le jardin en offrait un large aperçu et lui permettait de savoir beaucoup de chose avant les autres. Parfois même, elle pouvait en tirer des déductions qui se révélaient juste, enfin à son avis. Ce jour là, les outils de taille posés sur la table, postée à sa fenêtre Hortense ne vit cependant pas les évènements arriver. Un miaulement la fît sursauter, c'était son chat qui avait encore faim. Elle quitta alors son poste d'observation, et sortit une boite de pâtée réservée à ce dernier. Elle n'arrivait jamais à ouvrir ces fichus boîtes de conserve. La force lui manquait. Paf! elle poussa un cri qui résonna. Elle venait de se couper. Elle attrapa un torchon pour arrêter le saignement. Mais, il lui semblait avoir crier un peu fort pour cette simple coupure. A moins que ce cri ne soit pas uniquement le sien...
Marc enrageait. Il n'avait vraiment pas de temps à perdre. Pourquoi diable avait il oublié cette clef usb chez lui. Tous ses graphiques pour sa présentation de l'après midi étaient dessus. Il allait falloir qu'il traverse le jardin boueux par ce temps pour atteindre sa porte. Son costume Paul Smith allait en prendre un coup. Marc travaillait en tant qu'expert-comptable à Londres depuis maintenant deux ans. C'est suite à un stage qu'il tomba amoureux de Londres. Paris n'avait pas trouvé grâce à ses yeux. Une fois le diplôme en poche, il s'était expatrié. Il n'habitait pas depuis longtemps au Voltaire. Le lieu lui avait paru agréable et le seul défaut dont on lui avait fait part était la présence constante d'une vieille commère à sa fenêtre. D'ailleurs, il remarqua son absence ce midi là. Un feuilleton quotidien avait sûrement eu ses faveurs pensa-t-il. Après la traversée du jardin, il lui fallait encore trouver ses clefs. Il s'en était pourtant servi pour ouvrir la porte commune. Ou pouvaient elles être. Après quelques minutes de fouille, il les fît tomber de son veston. Il se pencha pour les ramasser et c'est alors qu'il la vit.
Marta soupira. Avec le retour de Madame Sachs, elle allait de nouveau avoir du pain sur la planche. Elle était d'ailleurs bien contente quand la journaliste trentenaire était en voyage à droite à gauche. Cette fois, c'était décidé, elle n'accepterait plus son linge sale et encore moins d'aller récurer son appartement. Elle était concierge après tout et pas domestique. Enfin, le seul problème s'était que ça lui faisait quand même un petit complément intéressant à la fin du mois. C'est alors que lui germa une idée. Elle allait demander une augmentation. Oui voilà une augmentation, c'est bien cela qui la motiverait. Il faudrait demander à Monsieur, il était un peu plus compréhensif. Et de toute façon, il ne pouvait pas lui refuser. Enfin pour avoir, une augmentation encore fallait-il avoir du travail. Marta attrapa son panier à linge et enfila ses vieilles espadrilles. Mais, elle fut arrêter dans son élan. On venait de sonner. Sur le palier des hommes en uniformes lui firent face.
- Vous êtes la responsable du Voltaire?
Marta acquiesça
Nous venons de recevoir un appel, un des résidents à découvert un corps dans la cours.
- Un corps?..
C'est alors que Hortense sortît de la cage d'ascenseur paniquée.
- Oh Marta, vous avez vu? Le cadavre! Dans le jardin!
Quelques minutes plus tard, tous les résidents réunis dans le jardin commun regardaient ébahis, les pompiers s'affairer autour du corps inconscient de Luce Fragonard, la résidente du cinquième appartement. Sa fenêtre du troisième grande ouverte, laissait échapper des airs de Bach. Il allait falloir avertir la police.
Mais, c'est alors que l'impensable se produisit. BANG! Un coup de feu retentit. Josèphe poussa un hurlement! Devant elle et les autres, venait de s'écrouler, raide mort et une arme à la main, un autre de leur voisin...