Episode 1: Pilot.

Si vous vous promenez à Londres et plus particulièrement dans le quartier de South Kesington vous ne pourrez pas le manquer, au détour d'une rue il se dresse majestueux et élégant. Le Voltaire est un immeuble qui vu du ciel forme un L. Évidemment, de la rue vous ne verrez que la façade avec les allées et venues de ses habitants. Rien ne laisse présager que de l'autre côté, un jardin commun se cache. Encadré d'un côté par les deux pans de l'immeuble et de l'autre par de hautes grilles de fer, il est à l'abri de tous les regards. Seules les fenêtres des logements donnant sur celui-ci permettent de profiter de la vue de parterres de pelouse parfaitement verts, de bosquets en fleur, d'arbres parfois bourgeonnant, parfois recouverts de neige. En ce qui concerne, l'immeuble lui même, il est ce que l'on pourrait qualifier de cossu. Sur trois étages, se répartissent cinq appartements, tous avoisinent la centaine de mètre carré. Dans ce cadre idyllique, vous conviendrez que ce qui allait se passer cette soirée là n'était guère envisageable.

Josèphe venait de poser ses valises dans l'entrée. Journaliste de terrain pendant près de dix ans, elle avait tout quitté suite à sa trentième année pour se consacrer à la photographie. Elle avait réussi à se constituer un réseau d'éditeurs et de partenaires ce qui lui permettait de vivre de sa passion. Elle venait de réaliser une série de clichés en France et retrouver son pays natal, l'avait rendu mélancolique. Le vol de retour avait pris du retard et elle s'était retrouvée coincée entre deux bambins déjà sur le point d'être obèses. Entre les crises de larmes, Josèphe s'était remémorée ses jeunes années. Elle avait quitté la France depuis sa rencontre avec Frank, son mari anglais de souche. Ils s'étaient connus suite à une conférence de presse à Londres. L'échange de cartes de visite s'était rapidement transformé en échange d'alliances. Elle fut coupé dans cette rétrospective par l'annonce de l'atterrissage. Ce sera un atterrissage pluvieux pensa-t-elle alors. Maintenant, Josèphe ne souhaitait plus qu'une chose avaler un aspirine et se glisser dans un bain chaud. Mais, à peine eut-elle le temps de se déchausser qu'elle entendit la sirène des pompiers. Il lui semblait qu'elle se rapprochait.

Un peu avant et un étage au dessus, la doyenne de l'immeuble Hortense s'appliquait à tailler son bonsaï. Depuis toutes ces années, elle avait acquis la technique et elle pouvait facilement faire autre chose en même temps. Et ce jour là, comme presque tous les jours, sa deuxième occupation consistait à regarder le paysage que lui offrait le jardin commun. Non pas que ce soit les massifs de roses qu'elles observait, ni même le cerisier en fleur ou encore la volière. Mais, c'est le paysage social qu'elle aimait scruter. Et le jardin en offrait un large aperçu et lui permettait de savoir beaucoup de chose avant les autres. Parfois même, elle pouvait en tirer des déductions qui se révélaient juste, enfin à son avis. Ce jour là, les outils de taille posés sur la table, postée à sa fenêtre Hortense ne vit cependant pas les évènements arriver. Un miaulement la fît sursauter, c'était son chat qui avait encore faim. Elle quitta alors son poste d'observation, et sortit une boite de pâtée réservée à ce dernier. Elle n'arrivait jamais à ouvrir ces fichus boîtes de conserve. La force lui manquait. Paf! elle poussa un cri qui résonna. Elle venait de se couper. Elle attrapa un torchon pour arrêter le saignement. Mais, il lui semblait avoir crier un peu fort pour cette simple coupure. A moins que ce cri ne soit pas uniquement le sien...

Marc enrageait. Il n'avait vraiment pas de temps à perdre. Pourquoi diable avait il oublié cette clef usb chez lui. Tous ses graphiques pour sa présentation de l'après midi étaient dessus. Il allait falloir qu'il traverse le jardin boueux par ce temps pour atteindre sa porte. Son costume Paul Smith allait en prendre un coup. Marc travaillait en tant qu'expert-comptable à Londres depuis maintenant deux ans. C'est suite à un stage qu'il tomba amoureux de Londres. Paris n'avait pas trouvé grâce à ses yeux. Une fois le diplôme en poche, il s'était expatrié. Il n'habitait pas depuis longtemps au Voltaire. Le lieu lui avait paru agréable et le seul défaut dont on lui avait fait part était la présence constante d'une vieille commère à sa fenêtre. D'ailleurs, il remarqua son absence ce midi là. Un feuilleton quotidien avait sûrement eu ses faveurs pensa-t-il. Après la traversée du jardin, il lui fallait encore trouver ses clefs. Il s'en était pourtant servi pour ouvrir la porte commune. Ou pouvaient elles être. Après quelques minutes de fouille, il les fît tomber de son veston. Il se pencha pour les ramasser et c'est alors qu'il la vit.

Marta soupira. Avec le retour de Madame Sachs, elle allait de nouveau avoir du pain sur la planche. Elle était d'ailleurs bien contente quand la journaliste trentenaire était en voyage à droite à gauche. Cette fois, c'était décidé, elle n'accepterait plus son linge sale et encore moins d'aller récurer son appartement. Elle était concierge après tout et pas domestique. Enfin, le seul problème s'était que ça lui faisait quand même un petit complément intéressant à la fin du mois. C'est alors que lui germa une idée. Elle allait demander une augmentation. Oui voilà une augmentation, c'est bien cela qui la motiverait. Il faudrait demander à Monsieur, il était un peu plus compréhensif. Et de toute façon, il ne pouvait pas lui refuser. Enfin pour avoir, une augmentation encore fallait-il avoir du travail. Marta attrapa son panier à linge et enfila ses vieilles espadrilles. Mais, elle fut arrêter dans son élan. On venait de sonner. Sur le palier des hommes en uniformes lui firent face.
- Vous êtes la responsable du Voltaire?
Marta acquiesça
Nous venons de recevoir un appel, un des résidents à découvert un corps dans la cours.
- Un corps?..

C'est alors que Hortense sortît de la cage d'ascenseur paniquée.
- Oh Marta, vous avez vu? Le cadavre! Dans le jardin!

Quelques minutes plus tard, tous les résidents réunis dans le jardin commun regardaient ébahis, les pompiers s'affairer autour du corps inconscient de Luce Fragonard, la résidente du cinquième appartement. Sa fenêtre du troisième grande ouverte, laissait échapper des airs de Bach. Il allait falloir avertir la police.

Mais, c'est alors que l'impensable se produisit. BANG! Un coup de feu retentit. Josèphe poussa un hurlement! Devant elle et les autres, venait de s'écrouler, raide mort et une arme à la main, un autre de leur voisin...

Episode 2: Say hello to gossip

Résumé de l'épisode précédent: Le cadavre de Luce Fragonard a été découvert dans le jardin commun du cossu immeuble Le Voltaire. Les résidents ont tous remarqués sa fenêtre au troisième étage grande ouverte. Ils ont aussi vu un autre de leur voisin s'écrouler devant eux une arme à la main au même moment. Mais, pour comprendre ce qui venait de se passer, il fallait revenir quelque temps avant...

6 mois avant

  • Frank, où es tu? Je ne sais pas quand tu comptes rentrer mais j'ai besoin de toi. La réunion est à 14 heures et c'est chez nous cette fois!


Josèphe enrageait. Son mari était parti en voyage d'affaire depuis une semaine et devait rentrer aujourd'hui pour être présent à la réunion trimestrielle de copropriété. Ces rendez vous ennuyait profondément Josèphe. Seul déguster les macarons de Hortense Capucin l'amusait un minimum. Mais cette fois, c'était chez elle que cela aller se dérouler. Tous ses voisins allaient venir observer ses photos, tripoter sa collection de livres anciens et salir sa moquette toute neuve.


  • Cho, la réception se passera dans le salon. Vous n'oublierez pas de regarder si tout y est bien en ordre. Ah, où en êtes vous dans la préparation de vos cannelés? Ne les ratez surtout pas, la dernière fois Luce avait seulement préparé des toasts décongelés , croyez moi ou non, mais son courrier a été soit disant égaré les deux semaines suivantes. Mais que diable fait mon mari?


Un étage plus haut, Luce Fragonard exaltait dans son lit. Elle venait seulement d'émerger. La soirée d'hier soir avait été particulièrement réussie. Elle se souvenait, seulement, des nombreux verres de téquila et d'avoir proposé à ce gars de la raccompagner. Et elle se félicita de l'avoir fait, ça faisait longtemps qu'elle avait autant apprécié une nuit torride. Elle entrevit sa rencontre de la nuit dans l'embrasure de la douche. Ce dimanche allait être tout aussi agréable, pensa-t-elle. Malgré, ces perspectives sympathiques, quelque chose lui revient à l'esprit. Et merde! Dans moins d'une demi heure, il y avait cette réunion de copropriété. Luce se leva d'un bond, il ne fallait pas faire de faux pas cette fois-ci, elle ne voulait pas avoir à supplier la concierge de lui rendre son courrier

  • Eh...

Mince, comment s'appelait-il? Lui avait-il seulement dit.

  • Eh toi...

  • Réveillée? Tu veux me rejoindre...dans la douche?

  • Euh bonjour, non non. Tu dois y aller, j'ai une satanée réunion avec mes voisins.

  • Quoi tu me vires si tôt? Il doit être à peine neuf heures du matin. Fait pas ta timorée, viens.

  • Bon sang, il est près de quatorze heures! Alors maintenant dépêche toi de te rhabiller et part d'ici.

  • Bien bien, laisse moi au moins prendre une douche

  • J'ai dit dehors!

Une fois le bel inconnu parti, Luce se prépara avec empressement en essayant au mieux de cacher les stigmates de la soirée passée. Avec ses cernes et ses yeux rouges, elle n'allait pas encore faire bonne impression.


Peu de temps après, on sonna chez les Sachs. Josèphe ouvrit la porte, un grand sourire aux lèvres.

  • Ah Marc, bienvenue à ta première réunion de copropriété. Tu es venu armé j'espère!

  • Bonjour, il fallait? Depuis le temps que l'on me parle de ce rendez vous, je suis content d'y être. Je te présente Jeff Thomson. J'espère qu'un invité surprise ne te dérange pas. On travail sur un projet important en ce moment, et Jeff est venu plancher dessus ce weekend.

  • Oh non pas du tout. J'espère que tu l'as prévenu qu'il risque de mourir d'ennui. Entrez, tout le monde est arrivé.


Et comme à chaque réunion, le temps passa lentement. Les discussions sur les peintures à refaire, les fenêtres à changer, les fleurs à planter et les arbres à couper furent houleuses. Le débat entre de nouvelles boites aux lettres ou une nouvelle terrasse semblait être le point sensible de discorde Au moment où elle sentit que la tension montait d'un cran, Josèphe décida qu'il était temps de faire une pause et de passer à la dégustation des cannelés.


Frank ,réapparu juste avant le début de la réunion, la rejoignit dans la cuisine. Hortense décida d'aller à la rencontre de Cho, ses cannelés étaient vraiment trop gouteux pour être fait maison. Et Marta, la concierge, entama la discussion avec Jeff Thomson.


Luce apostropha Marc.

  • Je serais vous, je me méfierais

  • Comment ?

  • Marta est entrain de sonder votre collègue. Et cette femme va tout faire pour savoir des choses sur vous. Les ragots c'est son truc.

  • Médisante!

Hortense venait d'apparaitre par derrière.

  • Vous voilà. J'aurais dû parier que vous seriez cachée je ne sais où pour nous épier. Marc je te présente la seconde commère, Hortense.

Hortense se raidit

  • Oh arrêtez de nous donner cette réputation. Je ne préfère même pas parler de la votre.

  • Ah oui, et quelle est cette réputation?

  • Trois fois rien, seulement des allées et venues incessantes d'hommes chez vous. Certains paraissent très jeunes. D'ailleurs, savez vous s'ils sont majeurs?

  • Comment osez vous?

  • C'est la vérité Luce, c'est ce que les gens pensent. Tout le monde dit que vous êtes une nymphomane portée sur les adolescents!


Luce, prise de court, préféra ne pas répondre et quitter l'appartement dans un claquement de porte. Josèphe jusqu'alors à peu près satisfaite de la réunion accourra.

  • Que se passe-t-il? Où est Luce?


Cette dernière, à bout de nerf, descendit se détendre en fumant une cigarette. Une fois dans le jardin, elle sortit son Blackberry et composa un numéro.

  • C'est moi. Mes voisins commencent à se rendre compte de mon petit manège. Il va falloir qu'on soit plus prudents. On n'a pas le choix, sinon ils vont finir par découvrir ce que l'on cache. Je te rappelle plus tard.

Elle raccrocha, et expira profondément une bouffée de cigarette.

Episode 3: Everyone is a sinner.

Hortense aimait ces matinées ensoleillées où elle pouvait descendre dans le jardin couper quelques fleurs, lancer des graines aux oiseaux et se reposer sur un banc. Ce matin là, le temps s'y prêtait parfaitement. Cependant, Hortense n'avait pas du tout l'intention de flâner dehors. Quelque chose la préoccupait trop. Elle n'arrivait même pas à ce concentrer sur la rubrique nécrologie qu'elle lisait tous les matins. Il fallait qu'elle en parle à quelqu'un. L'écrire dans son carnet personnel n'avait pas suffi à la soulager. Et pourtant, d'habitude, cela fonctionnait. Elle racontait tout à son carnet. Et sa grande fierté était ,que si l'envie lui en prenait, elle pourrait faire éclater quelques scandales en dévoilant certains passages. Devant son trouble, elle décida qu'il était temps de faire part de l'information à Marta. La concierge de l'immeuble était sa seule confidente et elle pouvait avoir confiance en elle. Elle descendit au rez de chaussé et frappa quelques coups discrets à la porte de la conciergerie. Personne ne répondit. C'était étonnant. Quand Marta était chez elle, elle répondait toujours. Et pourtant Hortense était certaine qu'elle était présente. Elle frappa de nouveau un peu plus fort. Devant l'absence de réponse, Hortense redoubla ses coups. Marta finit par ouvrir la porte:

  • Hortense, c'est toi.

  • Bonjour Marta, tu en as mis du temps.

  • J'étais...occupée, excuse moi. Tu as besoin de quelque chose? Du sel, des œufs?

  • Non, non. Il faut que je te parle de quelque chose.

  • Ah, oui, mais pour le moment je n'ai pas le temps. J'ai quelque chose sur le feu, tu comprends.

  • C'est à propos de Luce Fragonard.

  • Dans ce cas, disons que mon ragout pourra attendre quelques minutes. Tu as appris quelque chose depuis l'autre jour où cette mijaurée blasphémait derrière mon dos.

  • Justement. Juste après, j'ai continué à chercher la cuisinière des Sachs pour savoir si elle avait fait ses cannelés ou s'il s'agissait d'une arnaque. Enfin bref, ma recherche m'a menée sur le balcon. Et là, juste en bas dans le jardin , j'ai vu Luce. Elle était entrain d'appeler. Et j'ai étendu sa conversation, bien malencontreusement évidemment. Je ne sais pas qui elle appelait mais elle a simplement dit que ses voisins allaient se douter de quelque chose et qu'il fallait qu'elle cache mieux ses secrets.

  • Tu es sûr de ce que tu as entendu? Ce n'est pas un tour de ton imagination.

  • Non certaine, il va falloir être prudentes Marta. Ça commence à m'inquiéter.

  • Bien bien, nous serons vigilantes. Mais tu l'es déjà beaucoup, je ne vois pas ce qu'on pourrait faire de plus.

  • J'avais justement une petite idée là dessus. Tu as toujours les clefs de tous les appartements?..


Elle tourna lentement les clefs sur le zinc. Luce Fragonard, une cigarette aux lèvres, attendait accoudée à un bar. Son rendez vous ne devait pas tarder. Jouer avec ses clefs la détendait; le verre de vin aussi.

  • Bonjour Luce.

  • Ah te voilà, bonjour. Tu as les documents?

  • Oui tout est là: les noms, les adresses. On a fait quel chiffre cette semaine?

  • On va bientôt atteindre les dix-mille.

  • Bien. C'est quoi cette histoire de voisinage?

  • Rien, j'étais sur le coup de la colère. Deux vieilles péronnelles s'amusent à me faire passer pour une nymphomane attirée pas les ados. On n'a rien à craindre d'elles ne t'inquiète pas.

  • Bien, fais attention quand même.

  • Oui...mais combien de temps cela va durer? Tu sais je ne suis pas fière de faire ça.

  • On n'a pas le choix de toute façon, il faut...

  • Tu dois y aller voilà Josèphe, une de mes voisines. Elle a ses habitudes dans ce pub. On se tient informé, salut.

L'homme après avoir salué Josèphe quitta le bar. Josèphe, perchée sur ses hauts talons à semelles rouges, posa tous ses sacs à terre.

  • Tu es là Luce. Je n'en peux plus! Une après-midi de shopping et je suis hors service. Je vais prendre un verre de vin aussi. C'était qui? Une nouvelle rencontre du net?

  • Non non, un ami simplement. Enfin, si tu écoutes les ragots, ça doit être étonnant de penser que je puisse être simplement amie avec un homme.

  • A propos, je suis désolée de ce qui s'est passé l'autre jour. Marta et Hortense sont quelque peu incontrôlables. Mais, il n'y a pas qu'avec toi qu'elles sont comme ça. Juste après ton départ, Hortense a harcelé Cho pour savoir si les amuses bouches étaient industriels ou non.

  • Ces vieilles peaux s'ennuient. Elles n'ont rien à faire de leurs journées. Alors, elles doivent s'occuper en inventant des histoires sur nous.

  • Sûrement...oh excuse moi, j'ai un appel.


  • Allo....oui c'est Frank. Ma réunion vient de se terminer, je ne serais pas à l'appartement avant une heure...très bien, à ce soir.

Frank reposa son smartphone et but une gorgée de bourbon.

  • Alors, qu'a-t-elle dit?

Marta, vêtue d'une simple nuisette, apparut dans l'encadrement de la porte.

  • Elle n'est pas à l'appartement, mais je devrais rentrer dans une heure.

  • Génial! J'adore passer ces journées entières avec toi. Tu m'as manquée tout ce temps en voyage d'affaire. Je me demandais bien quand tu reviendrais. Pourquoi ne me donnais tu pas de nouvelles?

  • Marta, il faut que nous soyons prudents. Cela implique de limiter les mails, les appels et toutes autres choses de ce genre.

  • Oui tu as raison; Marta partit dans un éclat de rire; j'ai bien cru que Hortense allait tout comprendre ce matin.

  • Il n'y a rien de drôle. Échapper à l'auto-désignée surveillante en chef de l'immeuble n'est pas aisé. Et si elle venait à savoir, elle raconterait tout à Josèphe. Et, elle me quitterait.

  • Et dans ce cas, nous pourrions vivre tous les deux sans avoir à se cacher.

  • Mais j'aime Josèphe et tu le sais. Je t'ai toujours dit que je ne quitterais pas Josèphe.

Marta sentit, alors, les larmes lui monter aux yeux.

  • Oui je le savais. Mais je m'étais dit que, peut-être qu'avec le temps, tu t'attacherais à moi.

  • Évidemment que je suis attaché à toi. Viens, pour le moment il n'y a que toi et moi.

Et pourtant sur la table près du bourbon, le mobile émettait un clignotement signalant qu'un appel était toujours en cours...


Episode 4: What a night!

Résumé de l'épisode précédent: Hortense s'inquiète après avoir surpris une conversation de Luce dans laquelle cette dernière parlait de cacher ses secrets. Mais elle compte bien mener son enquête en demandant les clefs de l'appartement de Luce à Marta. Marta qui elle retrouve son amant Frank après un long voyage d'affaire. Mais cette liaison risque d'être découverte, Frank n'ayant pas raccroché après avoir téléphoné à sa femme: Josèphe.

« Come on baby, light my fire », les airs rocks des Doors résonnaient. La lumière tamisée contrastait avec les flashs colorés que diffusaient les spots sur les murs. Josèphe passait de groupes en groupes, radieuse. Tout le gratin de Londres était là. Elle avait choisi de présenter sa dernière exposition dans une des galeries d'art très à la mode de Soho. Pour le vernissage, elle avait invité tous ses amis ainsi que des designers, des journalistes, des rédacteurs... Et elle était satisfaite, la plupart avaient répondu à l'appel. Et ces derniers ne taraient pas d'éloges sur les clichés. Le choix de revisiter les grand classiques de la photographie semblait plaire. Josèphe décida qu'il était temps d'aller chercher un martini au bar pour fêter tout cela. Et pendant que le barman faisait virevolter les bouteilles entre ses mains, Frank la rejoignit.

  • Félicitation chérie, ta soirée est une vraie réussite. Tu es resplendissante dans cette robe noire...Chanel?

  • Bien vu. Tu t'améliores, bientôt tu pourras publier des chroniques de mode. En tout cas je suis contente, tout le monde semble apprécier mon travail. Tu veux un martini aussi?

  • Non, je crois que j'ai assez bu pour le moment.

  • Tiens, voilà ton ami qui développe des applications pour I phone. Oh d'ailleurs, j'avais complètement oublié de te parler de ça. Il y a quelque temps, tu m'as appelée et tu as oublié de raccrocher après.

  • Ah oui vraiment, quand ça?

  • Je ne sais plus exactement. Un jour où j'avais passé l'après midi à Harrods. Je n'entendais qu'un vague grésillement. Mais, tu devrais être vigilant. N'importe qui aurait pu surprendre tes conversations. Imagine tu aurais été avec une de tes maitresses, j'aurais tout découvert.

  • Une de mes maitresses...

  • Heureusement, nous sommes fidèles. Nous n'avons donc pas à craindre ce genre d'histoire. Je te laisse. Je viens de voir Luce et Marc là-bas. Je les avais invités. Dis moi quand tu rentreras à l'appartement, je voudrais te parler de quelque chose avant.

Josèphe rejoignit Luce et Marc admiratifs devant l'un des clichés.

  • Hey, c'est sympa d'être passés. Je vois que vos verres sont vides, j'avais pourtant demandé aux serveurs de veiller à ce que personne ne manque de rien.



Au même moment, à la conciergerie du Voltaire, Marta et Hortense complotaient.

  • Tu crois que c'est le bon moment Hortense?

  • C'est même le moment idéal. Il n'y a personne. Ils sont tous au vernissage de Josèphe. D'ailleurs, je me demande pourquoi elle ne nous a pas invitées.

  • Nous ne devons pas être assez, comment les jeunes disent, « branchées ».

  • Tu as raison. En tout cas, grâce à elle nous pouvons aller voir ce que cache la Fragonard. Comment procède-t-on? Ce serait tellement amusant de se cacher le visage avec des bas noirs comme dans les films de gangsters et d'utiliser des talkie-walkies.

  • Hum. Plus simplement, je te propose d'y aller pendant que je resterais ici dans ma loge pour faire le guet. Je pourrais te prévenir si quelqu'un débarque.

  • C'est moins épique. Mais tu as sûrement raison, autant faire les choses de façon traditionnelle mais efficace. On commence quand?

  • Comme tu l'as dit, c'est le moment idéal!



La soirée battait son plein. Les danses s'enchainaient, les rires fusaient. Malgré le monde et la semi-obscurité, Frank réussit à retrouver Josèphe dans une des salles, un verre de vodka à la main.

  • Josèphe, je vais partir. J'ai des rendez-vous demain.

  • Oh non non , reste avec moi. Je ne veux pas rentrer toute seule au Vol..? J'ai un doute! C'est le Voltaire ou le Maupassant?

  • Quoi?

  • T'as oublié aussi. T'inquiète pas, on dira « on rentre à l'écrivain français »!

  • Josèphe, il faudrait que tu songes à te calmer sur l'alcool pour ce soir. Viens, on va prendre un taxi.

  • Non, moi je reste ici. Je ne veux pas déjà retourner au Molière.

  • Bien je suis fatigué, je ne vais pas batailler. Mais dis moi simplement ce que tu avais à me dire. Si tu en es capable.

  • Oh oui c'est vrai. De quoi je voulais te parler déjà? Ah oui, je suis...

  • Quoi? Parle plus fort, la musique couvre ta voix.

  • Je disais que je suis enceinte!

  • Quoi?!

  • JE SUIS...

  • Non j'ai compris. Mais...

Frank après quelques secondes de perplexité sembla retrouver ses esprits et enleva le verre des mains de Josèphe.

  • On ne t'a jamais dit que l'alcool était déconseillé aux femmes enceintes.

  • Foutaise!

  • Tu es complètement saoul, on en reparlera demain quand tu auras dégrisé.

Frank s'en alla, laissant Josèphe tanguer au rythme de la musique.


Hortense tenta d'ouvrir le tiroir. Celui-ci était fermé. Il devait contenir des choses compromettantes. Il fallait qu'elle trouve la clef. L'appartement était grand et généreusement meublé. Elle avait déjà effectué le tour de la plupart des pièces mais venait seulement de trouver le bureau. Où pouvait donc être la clef? Bingo. Elle était simplement posée dessus. Elle inséra celle-ci dans la serrure et entendit le loquet tourner. Soudain, une voix s'éleva derrière elle.

  • Tiens, tiens vous ici. Il me semblait bien avoir vu de la lumière.

Luce Fragonard se tenait droite derrière Hortense.

  • Luce...je suis désolé, je n'aurai pas dû.

La main de Luce, s'abattant sur la joue d'Hortense, siffla dans l'air.

  • Aieee!

  • Non, c'est sûr vous n'aurez pas dû. Sortez de chez moi.

  • Je suis confuse. Je...je...

  • Sortez d'ici. Vous allez amèrement le regretter.

  • Comment ça? Qu'allez vous me faire?

Hortense encore agenouillée commençait à ne plus pouvoir retenir ses larmes.

  • Je ne sais pas. Mais ne vous inquiétez pas, j'ai plein d'idées qui fusent.

  • Luce vous avez bu, vous ne savez pas ce que vous dîtes.

  • Sortez de chez moi!

La voix de Luce partait dans les aiguës. Tout d'un coup, un cri transperça l'atmosphère. Luce et Hortense tressaillirent

  • Qui a poussé ce hurlement?

  • Je ne sais pas, ça venait d'un des étages en dessous.

Une personne qui aurait observé la scène de loin aurait alors vu les deux ennemies tremblantes se recroqueviller l'une près de l'autre.


Josèphe sortit du taxi en titubant. Elle avait quitté tardivement la galerie après avoir reçu les derniers compliments. De nombreuses personnes avaient déjà manifesté l'envie d'acquérir des clichés. Mais pour le moment Josèphe avait trop mal à la tête pour penser à cela. Après quelques difficultés à ouvrir la porte commune, elle pénétra dans le hall. Elle s'apprêtait à appeler l'ascenseur quand elle entendit des gémissements. Ces derniers provenaient de la conciergerie. Elle tapa quelques coups à la porte et n'ayant pour seule réponse que des plaintes étouffées. Elle décida de rentrer. C'est alors qu'elle trouva Marta, allongée au sol, ensanglantée un couteau à la main.


Episode 5: Unspoken

Résumé de l'épisode précédent: Josèphe a fait part de sa grossesse à son mari Frank. Hortense a été surprise par Luce Fragonard en train de fouiller l'appartement de cette dernière. Et Marta a été retrouvée ensanglantée dans sa loge.

Frank, assis à l'arrière d'un taxi londonien, semblait regarder le paysage défiler. Devant ses yeux filaient les maisons de toutes les couleurs si typiques de South Kesington, les parcs verdoyants, puis la tamise qui longeait la route. Cependant, il ne voyait pas ces éléments qui donnaient à Londres tout son charme. Perdu dans ses pensées, les évènements des derniers jours semblaient lui échapper. Il contrôlait à l'ordinaire tout: de son entreprise à sa vie sentimentale en passant par son emploi du temps et ses loisirs. Son travail était sa motivation, sa fierté. Josèphe, elle, était sa muse. Sa joie de vivre, sa créativité, sa culture lui donnaient la force d'innover. Tous les deux étaient épanouies dans cette vie de londoniens mondains. Pourtant, il y avait Marta. Il ne savait pas l'expliquer. Tout était arrivé un jour de solitude, Josèphe partie depuis des semaines photographier la vie new-yorkaise, le manque affectif et cette bouffée de désir lorsque Marta avait sonné. Il n'avait pas remarqué le panier de linge propre qu'elle lui tendait, seulement son décolleté. Il ne savait pas dire s'il avait été manipulé, si Marta avait recherché cet émoi . Il était seulement certain qu'il ne pouvait plus s'en passer. C'était son rail de coke à lui, son premier « lâché prise ». Mais lorsque Josèphe lui avait appris sa grossesse, il s'était dit qu'il ne pouvait plus continuer comme cela. Qu'il fallait qu'il commence sa cure intérieure de désintoxication. Cependant, il n'avait pas prévu la réaction de Marta... Le chauffeur frappa à la fenêtre de l'habitacle.

  • Monsieur, nous sommes arrivés.


Le St Mary's hospital ressemblait, avec ses briques rouges, à un pénitencier. Frank paya le chauffeur et se rendit à la réception. Une standardiste lui indiqua le numéro de la chambre. Après avoir monté deux étages et arpenté un long couloir, il trouva la porte indiquée. Il pénétra dans la pièce. Marta allongée regardait la télévision.

  • Bonjour Marta.

  • Frank! Je me demandais si tu viendrais me voir. Je suis si contente que tu sois là.

  • Pourtant ce n'est pas par gaité de cœur, les hôpitaux m'insupportent. Je ne vais pas y aller par quatre chemins, pourquoi as tu fait ça?

  • Ces petites écorchures aux bras? C'est un accident. Mais le principal est que tu sois là maintenant.

  • Ne me mens pas. Je sais très bien que c'était volontaire.

  • Tu voulais me quitter.

  • Et alors?

  • Et bien hier soir quand tu m'as appelé pour me dire que ta femme était enceinte et que tu voulais tout arrêter, je me suis sentie désespérée. Il fallait que je trouve un moyen d'attirer ton attention, que tu vois que j'ai besoin de toi.

  • Mais tu aurais pu te tuer. C'est grotesque.

  • Mais je t'aime Frank et la vie sans toi ne vaut pas la peine d'être vécue.

  • Tu dis n'importe quoi.

  • Frank dis moi que tout n'est pas fini? Je t'en prie.

  • Évidemment, je ne peux pas te laisser dans cet état. Mais ne refait jamais ça.

  • Oh je suis si heureuse. Viens m'embrasser.

Frank qui ne put résister, décida de remettre sa cure à plus tard. Après tout, il avait neuf mois devant lui. Toc toc. Frank se redressa. Quelqu'un venait de frapper à la porte. Josèphe, un bouquet de fleur à la main, apparut alors.

  • Bonjour Marta. Frank, tu es là! Je ne savais pas. Tu es venu aux nouvelles?

Le regard de Frank passa de Marta à Josèphe. Il se demanda si c'était le moment de tout avouer, de se repentir. Cependant, il préféra retourner la question.

  • Et toi?

  • J'apporte des fleurs à Marta. La pauvre, je ne pouvais pas la laisser seule après l'avoir trouvée dans ce sale état. D'ailleurs, comment allez vous Marta?

Marta qui n'avait pas l'habitude d'être dans la même pièce que son amant et que la femme de celui-ci, était quelque peu embarrassée. Cependant, un sentiment de joie l'envahissait. Elle en était maintenant sûr, Frank allait lui revenir. De plus une fois le bébé né, il courrait aussi souvent que possible la rejoindre pour éviter les pleurs et les corvées ingrates.

  • Je me sens mieux. Après une telle bêtise, cela doit être normal de se sentir un peu déboussolée. Mais, les bonnes nouvelles que j'aie reçues me remontent le moral.

Josèphe sembla ressentir un grand soulagement.

  • C'est parfait. Tu m'as fait si peur. C'est peut-être indiscret de ma part de te demander ça, mais qu'est ce qui t'a amené à faire une chose pareille?

  • J'ai quelques problèmes... financiers en ce moment.

  • Oh et bien nous pouvons t'aider je suppose. N'est ce pas Frank?

  • Oui...bien sûr.

  • On réglera ce que tu dois. Tu fais tellement pour nous. D'ailleurs pour le repassage et le ménage, tu peux prendre un peu de congé le temps de te reposer. Cho en fera plus.

  • Vous êtes trop aimable.

  • Ce n'est rien. Je me sauve. Je ne faisais que passer. J'ai un rendez-vous qui m'attend. Frank, je te ramène?

  • Je venais juste m'assurer que Marta se rétablissait. Ce qui semble être le cas?

  • Oui oui, je vais bien. Je ne voudrais pas vous retenir plus. C'est déjà gentil d'être passés.

  • Et bien vivement que tu reviennes au Voltaire! conclue Josèphe un grand sourire aux lèvres.


La portière claqua et le moteur vrombit. A l'intérieur de la berline, le sourire radieux de Josèphe avait disparu. Après de longues minutes de silence, Josèphe se décida à parler.

  • Frank, je suis désolée pour hier soir.

Ce dernier qui s'attendait à un orage de questions sur sa présence dans la chambre de Marta fut quelque peu surpris.

  • Comment ça?

  • Je n'ai pas été correcte dans la façon dont je t'ai appris ma grossesse. De plus, je n'aurais pas dû mettre le bébé en danger en buvant de l'alcool.

  • Pourquoi as tu fait ça alors?

  • Je me suis retrouvée dépassée. Je ne suis même pas sûr de vouloir cet enfant. Un enfant remettrait tout en question: notre carrière, notre liberté...

  • Tu es une incroyable photographe et je suis persuadé que tu seras aussi une incroyable mère.

  • Tu crois?

  • J'en suis certain. Je pense qu'une petite soirée de repos te ferait du bien, annule ton rendez vous et rentrons à l'appartement.

  • En tout cas, j'espère que tu joueras ton rôle de père de façon aussi exemplaire que celui de mari.

Frank se demanda s'il devait acquiescer.


Arrivé au Voltaire, le couple croisa Luce Fragonnard.

  • Salut Luce. En forme après la soirée d'hier soir?

  • Un peu mal au crane mais comme à chaque bonne soirée. Désolé je n'ai pas le temps de vous remercier plus, j'ai une petite affaire à régler avec Hortense.

  • OK. Bon courage alors.


Luce après avoir quitté le couple se rendit chez la doyenne de l'immeuble. Cette dernière ouvrit rapidement sa porte.

  • Bonjour Hortense, je passe juste te dire que la police va débarquer chez toi d'une minute à l'autre. Je viens de les appeler. Je te préviens maintenant comme ça tu auras le temps de t'y préparer. Voilà. Au revoir...ou pas.

Luce remarqua que Hortense ne semblait pas réagir. Elle se demanda si c'était son chignon si tiré qui rendait son visage inexpressif. Cette dernière s'approcha de Luce et murmura.

  • Je sais tout. J'ai découvert ton petit secret hier soir. Alors tu ferais mieux de rappeler la police. Je te préviens maintenant comme ça tu auras le temps.

Hortense referma sa porte. Luce blême n'eut pour seule réaction que de prendre son cellulaire et d'appuyer sur la touche bis.

Episode 6: Sunday, funny sunday.

Résumé des épisodes précédents: Marta a commis une tentative de suicide pour récupérer Frank. Ce qui semble avoir fonctionné. Hortense a cherché le secret de Luce mais a été prise la main dans le sac. Cependant, elle menace Luce de divulguer ce qu'elle a trouvé si cette dernière avertit la police. Marc a présenté son collègue Jeff Thomson aux autres habitants.

Au Voltaire, le dimanche était supposé être une belle journée. Marta n'était pas de permanence. Luce se remettait de ses soirées agitées de la veille. Marc éteignait son portable et ne lisait pas ses mails. Josèphe et Frank se prélassaient dans le lit conjugal. Seule Hortense, retraitée qui n'avait par ailleurs jamais vraiment travaillé, trouvait les dimanches égaux aux autres jours de la semaine. Mais ce dimanche ne fut pas comme les autres. En effet, les voisins eurent la surprises de se retrouver dans le jardin commun; tous dans de drôles de situations: Marta et Frank mouillés jusqu'aux os, Hortense avec un chignon à moitié défait et des traces de boue sur le visage, Luce en chemise de nuit et un inconnu quelque peu assommé. Et pourtant ce dimanche était supposé être une belle journée.


Tout avait commencé un peu plus tôt. Marta et Hortense partageaient comme d'habitude leur déjeuner dominical dans le jardin.

  • Je comprends que tes problèmes financiers t'aient poussé à...agir de la sorte. Heureusement, tu t'en es sortie. Mais sincèrement, tu aurais pu choisir un autre moment. Tu devais me prévenir si la Fragonard rentrait. Entre nous, c'est encore une illustration de l'égoïsme fondamental du suicide.

  • Hortense, tu te rends compte de ce que tu dis!

  • Tout à fait. En plus, la bible condamne cet acte.

  • Et elle cautionne le cambriolage d'un appartement?

  • Ce n'était pas un cambriolage. De plus, c'était pour le bien de tous. Il fallait découvrir ce que Luce cachait pour la sécurité des habitants du Voltaire.

  • Tu ne m'as pas encore dit comment tu as évité ses foudres?

  • Je l'ai effrayée en lui disant que j'avais découvert ses secrets.

  • Vraiment? Qu'as tu trouvé alors?

  • Rien du tout. Je bluffais. Mais sa réaction prouve une chose: ce qu'elle cache n'est pas légal. Elle craint la police.

  • Hortense, je trouve que cette histoire commence à nous dépasser. Si la police intervenait, je ne voudrais pas être mêlée à ça.

  • Qui parle d'avertir la police? Nous pourrions enquêter seules et une fois qu'on a découvert ce qu'elle fabrique, on l'envoie directement à Attica.

  • Tu es de plus en plus cynique en vieillissant mais j'aime ça. J'adhère. Bon je te laisse, j'ai les vêtements des Sachs à repasser.

  • Ils ne s'embêtent pas. Tu viens juste de rentrer et ils t'assaillent de travail.

  • Je sais, à plus tard.


Le toaster éjecta les deux tartines grillées. Luce Fragonard au téléphone ne le remarqua même pas.

  • Évidemment que je fais attention. Mais cette vieille folle a dû comprendre en fouillant dans mes papiers...Non, elle ne peux pas me balancer sinon elle sait qu'elle serait aussitôt arrêtée pour effraction. Bon je te laisse, j'ai un double appel...Allo...Hortense! Pourquoi m'appelez vous?...Vous voulez que je descende dans le jardin? Hors de question...Quoi, si je ne viens pas vous prévenez les flics?...Bon j'arrive, laissez moi cinq minutes pour me préparer.

A l'autre bout du téléphone, Hortense se rongeait les ongles.

  • Non, venez tout de suite! Et ma menace est valable si vous n'êtes pas là dans la minute.

Elle était accroupie près d'un buisson. Une fois que Marta était partie et après avoir fini son déjeuner, elle avait effectué le tour du jardin. Officiellement, cela lui permettait de voir si le jardinier avait bien travaillé. Officieusement, pendant cette petite promenade elle pouvait regarder innocemment ce qui se passait par la fenêtre de ses voisins. Mais ce dimanche en approchant du fond du jardin où se trouvait le chalet qui servait de remise à outils, elle avait aperçu une ombre passer devant la fenêtre de ce dernier. Il y avait quelqu'un à l'intérieur. Ils étaient même peut-être plusieurs.

  • Alors vieille folle, pourquoi m'avez vous fait descendre en nuisette?

  • Luce, ne parlez pas si fort! Il y a quelqu'un dans la cabane.

  • Quoi? Et alors, c'est sûrement Marta qui a des envies de jardiner.

  • Non, elle est chez elle. Je pense que c'est un cambrioleur.

  • Ça me rappelle quelqu'un, laissez moi réfléchir.

  • Taisez vous.

  • Vous ne me dîtes toujours pas pourquoi vous m'avez demandé de venir?

  • Parce que je suis trop faible pour faire face à quelqu'un de dangereux. Et vous étiez la seule sur laquelle je pouvais faire pression pour que vous acceptiez de descendre.

  • Espèce de...

  • Regardez, on distingue deux ombres qui sont en train de s'afférer. Il faut les surprendre, comme ça on aura l'avantage. Passez moi ce bout de bois.

  • Mais, vous n'allez quand même pas les attaquer.

  • Je vais ramper jusqu'à là-bas et quand ils sortiront PAF je vais les assommer. Vous restez ici. S'ils m'échappent, vous les arrêterez.

Ne laissant pas le temps à Luce de broncher, Hortense se mit à quatre pattes et commença à s'avancer vers la cabane.


Pendant ce temps, Marta rêvassait la tête posée sur l'épaule nue de Frank. Elle se dit que le repassage était quand même une bonne excuse. Frank interrompit cette rêverie.

  • Il va falloir que je remonte sinon Josèphe va se poser des questions.

  • Déjà?

  • Je suis avec toi depuis plus d'une heure. Tu sais quand le bébé sera né, je ne pourrais pas passer autant de temps avec toi.

  • Justement, je serais ton refuge lorsque tu en auras marre de changer des couches!

  • Josèphe et le bébé auront besoin de moi. Et je veux être un bon père.

  • Alors, tu ne vas pas la quitter?

  • Non évidemment. Tu le sais.

  • Oui mais qu'est ce que ça peut foutre. Moi, j'en peux plus de cette situation. Il faut que tu choisisses entre elle et moi.

  • Je ne peux pas laisser Josèphe.

  • Putain, j'aurais dû clapser la dernière fois. D'ailleurs, rien ne m'empêche de recommencer.

Sur ces dernières paroles, Marta attrapa un briquet à porté de main. Debout sur le lit, elle le leva vers le plafond et l'actionna. C'est alors que, au lieu de créer la moindre petite braise, le système anti-incendie de l'appartement se déclencha. Marta et Frank se retrouvèrent nus sous l'eau qui coulait à flot.

  • Merde, Marta il faut qu'on sorte de là.

Ce débattant pour enfiler leurs vêtements, les deux amants réussir à sortir par une porte fenêtre donnant sur le jardin. Il tombèrent nez à nez avec Luce.

  • Luce, que fais tu ici?

  • Et vous, que faîtes vous dans cet état? Marta t'a fait une lessive tout habillé?

  • Non, nous...enfin j'apportais du linge quand le système contre les incendies s'est déclenché.

  • Aaaaah! Attrapez le, il s'échappe!

Les trois voisins virent, alors, un étranger courir vers eux poursuivi par Hortense. Malgré son vieil âge, elle réussit à le rattraper et à lui donner un coup de bâton sur la nuque. Sous ce coup bien placé, la victime s'écroula. Marc, le voisin expert comptable, arriva par derrière.

  • Hortense, qu'avez vous fait à mon collègue Jeff?

  • Quoi? C'est votre collègue?

Jeff Thomson allongé au sol reprenait connaissance. Il ressentit une vive douleur à la nuque.

  • Mais pourquoi cette hystérique m'a frappé?

  • Je sais que je viens de vous frapper injustement, mais ce n'est pas une raison pour être insultant. Je ne pouvais pas savoir qui était à l'intérieur de la cabane.

Luce, qui riait doucement de la situation, ne put s'empêcher de se mêler à la conversation.

  • D'ailleurs vous deux que faisiez vous là-dedans?

Marc regarda jeff qui se massait la nuque et prit la parole.

  • Bon puisque vous nous avez vus je pense qu'il faut vous le dire. Jeff et moi utilisons la cabane commune pour travailler. C'est une sorte de local secondaire.

Marc continua ses explications devant les visages effarés de Luce, Hortense, Marta et Frank. Mais, il se dit que lui aussi aurait bien aimé avoir quelques explications. Pourquoi Marta et Frank étaient-ils trempés. Pourquoi Luce était elle en chemise de nuit. Il comprenait seulement la dégaine de Marta qui avait surgi d'un fourré quand ils étaient sortis de la remise. Les six protagonistes décidèrent, d'un commun accord, de rentrer chez eux et de discuter de tout cela quand chacun serait rétabli de ses propres mésaventures.

Dans son appartement, Marc tendit un bloc de glace à son collègue.

  • Mets ça sur ta nuque.

  • Merci. Tu penses qu'ils ont cru à tes mensonges?

  • Je ne sais pas. Je l'espère!


Episode 7: The end justifies the means

Résumé des épisodes précédents: Hortense et Marta ont découvert que Luce Fragonard cachait un secret. Josèphe a annoncé sa grossesse. Suite à cela, Frank a voulu mettre fin à sa liaison avec la concierge Marta.

Bradley Médéric exerçait sa profession depuis de nombreuses années. S'il avait appris une chose pendant tout ce temps, c'était que la nature humaine était très variée mais surtout très surprenante. Il avait vu passer des femmes blessées par leur mari, des hommes en quête de pouvoir, des vieillards à la recherche d'un amour perdu, des milliardaires assoiffés de vengeance. Il pensait que désormais rien ne pouvait le surprendre. Et pourtant ce matin là, il comprit qu'il avait tort!

  • Je me présente détective Médéric. Alors que me vaut le plaisir de votre présence mesdames?

L'une, vieille mais tirée à quatre épingles, triturait nerveusement la broche de son cardigan. La seconde avachie au fond du fauteuil semblait beaucoup plus exubérante avec sa robe léopard et son chewing-gum. La plus âgée prit la parole.

  • Bonjour détective, nous venons pour un problème de voisinage. Nous rencontrons quelques difficultés avec une de nos voisines.

  • Appelez moi Bradley. Alors qu'est ce qui vous chagrine: vole de courriers, haies mal coupées?

  • Non. Mon amie Hortense s'est mal exprimée. Luce Fragonard a une activité secrète qui n'a rien de légale et nous voulons découvrir laquelle. Comment quelqu'un ne travaillant pas pourrait s'offrir le luxe de vivre dans un cent cinquante mètres carrés en plein South Kesington?

  • Peut-être qu'elle reçoit une rente ou qu'elle possède un héritage juteux. Vous n'avez pas essayé de le découvrir toutes seules?

  • Justement, j'ai tenté de trouver des indices chez elle mais mes recherches ont été écourtées. Plus tard, je l'ai suivie dans la rue. Le seul résultat a été que je me sois complètement perdue. J'ai fini dans un quartier malfamé. On m'a abordé deux fois pour savoir combien je prenais!

  • Bradley, cette satanée Fragonard cache quelque chose et votre job sera de découvrir quoi. Compris!

  • Marta ne parle pas comme ça au détective. Excusez là détec...Monsieur Bradley. En ce qui concerne la tarification, cela va nous coûter cher?

  • Hum, ça dépend du temps que cela va me prendre. Mais, il doit s'agir d'une activité pas très catholique facile à découvrir.

  • Oh, vous pensez que Luce est une fille de joie. Je le savais!

  • Ça ne doit pas voler plus haut que ça. Je vous ferais un premier compte rendu dans quelques jours. Mais donnez moi plus de détails en attendant.



Josèphe trouvait le temps long. Ces dîners d'affaires l'amusaient pourtant d'habitude. Elle aimait profiter des soirées dans ces beaux appartements avec vue sur la Tamise, goûter des grands vins, rencontrer les personnes influentes de Londres. Mais ce soir, Frank avait reçu une proposition pour développer un site internet à Beyrouth. Or, elle ne voulait pas que son bébé passe ses premières années dans un pays étranger. Il fallait qu'elle ruse pour empêcher cela car Frank ne laisserait pas passer cette opportunité. La maitresse de maison s'excusa pour aller en cuisine. Josèphe décida qu'il était temps d'agir et la rejoignit.

  • Tu as peut-être besoin d'aide Pathy?

  • Non. Je vérifiais juste que la cuisinière n'avait pas laissé brûler le dessert...encore une fois. Alors, n'est ce pas génial que Frank ait reçu cette offre?

  • Oh justement à propos de ça, c'est très gentil à ton mari d'avoir pensé à Frank. Mais, tu sais nous allons bientôt être parents et partir en dehors de Londres à ce moment là, je ne pense pas que ce soit une bonne chose.

  • C'est vrai que Beyrouth n'est pas très accueillant, à première vue, pour une jeune famille. Mais, vous serez dans un lotissement très sécurisé. Je crois que l'expression est « prison dorée ». N'est ce pas amusant? Je suis sûr qu'il y a une école anglaise pour le futur bébé. Et si tu t'inquiètes pour les nourrices, il faut que tu saches que les domestiques ne coûtent vraiment pas chers là-bas.

  • Pathy, tu t'es déjà demandée si tu étais raciste?

  • Ce que tu es drôle.

  • Et puis Frank a besoin de liberté. Je ne sais pas si travailler sur un même projet pendant de longues années lui conviendra.

  • Mais il aimera sûrement son salaire à six chiffres pendant de longues années.

Voyant que la conversation tournait en rond et à court d'idées, Josèphe décida qu'il était temps d'y aller un peu plus fort.

  • Frank a un cancer.

  • Quoi? Qu'est ce que tu racontes?

  • Avec le traitement nous ne pouvons pas quitter Londres. Nous avons nos médecins ici et nous n'allons pas nous éloigner de sa famille.

  • Mon dieu, je ne savais pas. Évidemment, dans ces circonstances, il serait peut-être préférable que vous restiez ici.

  • Malheureusement oui. Par contre, nous avions décidé de n'en parler à personne donc si ton mari pouvait retirer l'offre pour un autre prétexte, le moral de Frank serait moins atteint.

  • Oui, je vais lui en parler. Ne t'inquiète pas, je n'aurais pas dû insister.



Luce Fragonnard alluma une autre cigarette. Le bruit rapide de ses talons retentissait sur le sol. Elle portait son sac en croco près de son corps. Cette soirée avait été fructueuse. Elle ne voulait pas rendre heureux un voyou qui au lieu d'un simple larcin, suite à un vol à l'arraché, aurait eu la surprise de trouver de nombreuses liasses de billets. C'est alors qu'elle entendit des pas précipités derrière elle. Le temps de se retourner, un homme la bouscula en courant. Ce dernier se jeta sur une fille qui marchait plus loin. Surprise cette dernière se retrouva à terre. L'inconnu commença à l'assener de coups. Il semblait se déchainer dessus. Les passants, sous le choc, regardaient impuissants malgré les hurlements. Dans un dernier élan, il l'agrippa et la jeta contre un mur. Cela c'était passé très rapidement. Maintenant, le corps gisait inerte. Ceux qui avaient assisté à la scène, lâches, préférèrent passer leur chemin. Luce, immobile depuis le début, se rapprocha de la victime étalée au sol. Elle poussait des gémissements plaintifs. Luce poussa délicatement le bras qui protégeait son visage.

  • Mélissa

  • C'est toi Luce? Appelle les secours, je t'en prie.

  • Oui, je vais le faire. Mais avant, écoute moi bien. Tu vas nous rendre l'argent que tu nous dois ou à chaque fois que tu sortiras de chez toi, tu rencontreras mon ami que tu viens de croiser. Ce soir, il t'a donné un petit aperçu de ce qu'il savait faire. Compris?

  • Je...je le promet.

  • Je me fous de tes promesses. Je te conseille juste de te grouiller de nous rapporter notre fric car sinon la prochaine fois les coups seront plus violents.

  • Je vous rendrais l'argent.

  • Nous n'attendons que ça.

Luce se releva et partit laissant la fille en sanglots. Elle ralluma sa cigarette qui s'était éteinte.


La soirée touchait à sa fin. Josèphe était satisfaite. Sous le prétexte d'un changement de dernières minutes, le poste permanent à Beyrouth avait été remplacé par un simple voyage d'une semaine. Pathy avait dû exposer la situation à son mari entre le dessert et les traditionnels digestifs.

  • Ce fut une soirée sympathique. Frank et moi avons beaucoup apprécié. Dommage qu'il y ait eu ce mal entendu à propos du Liban. Mais, ça sera pour une prochaine fois.

  • Je l'espère. On se voit au meeting annuel du club samedi?

  • Tout à fait.

Le couple quitta l'appartement et héla un taxi. Frank qui cherchait son cellulaire se rendit compte qu'il ne l'avait plus.

  • Je crois que je l'ai oublié. J'y retourne. Attends moi au chaud dans le taxi.

Il retrouva ses amis buvant un dernier verre de vin.

  • Ah Frank, on a retrouvé ton portable.

  • Je venais justement le récupérer. Au fait, merci pour la combine. Il fallait vraiment que je me libère une semaine. Quel prétexte Josèphe a trouvé pour te convaincre de rétracter ton offre?

  • Elle a dit à Pathy que tu avais un cancer. Tu as eu de la chance qu'elle ne trouve pas l'idée de s'installer à Beyrouth géniale.

  • Elle déteste cette ville. Un cancer! Elle sait être convaincante quand elle veut.

  • En tout cas, profite bien de cette semaine de liberté.

  • Merci, je vous revaudrai ça!

Frank repartit satisfait...

Episode 8: The song of cicadas

Résumé de l'épisode précédent: Marta et Hortense se sont adressées à un détective. Frank a réussi à trouver une excuse pour s'absenter une semaine. Luce a exprimé des menaces afin de récupérer de l'argent qui lui appartenait apparemment.

Le Voltaire était rarement aussi vide. La plupart des résidents avaient désertés l'immeuble temporairement. Chacun avait une bonne raison que ce soit un voyage d'affaire, de la famille à visiter... Seule Josèphe Sachs était présente. Ce matin là, les nausées des premiers mois de grossesse l'avaient réveillée tôt. En se regardant dans le miroir, elle s'était demandée ce qu'elle allait devenir. Serait-elle une des ces femmes qui perdent leur féminité une fois devenues mères, pourrait-elle toujours vagabonder à travers le monde, garderait-elle sa notoriété de photographe? Terrorisée par toutes ces questions, elle avait pensé qu'un jogging lui permettrait de les évacuer. En sortant de l'ascenseur, elle fut surprise de trouver les lumières du corridor allumées. Elle était censée être seule dans l'immeuble. Elle s'arrêta pour vérifier son courrier et c'est alors qu'elle entendit un bruit étouffé venant du local à poubelles. Elle s'approcha en faisant le moins de bruit possible et ouvrit la porte d'un coup sec. Elle poussa un cri.

  • Hortense! Vous m'avez fait peur. Que faites vous là dedans? Vous ne deviez pas être chez votre sœur à Edimbourg?

  • Euh...j'ai eu un fâcheux contre temps.

  • Le nettoyage des poubelles? Ne me prenez pas pour une idiote.

  • Je suis revenue pour mes bonsaïs.

  • Arrêtez. D'ailleurs, je me fiche de savoir pourquoi vous faisiez semblant d'être absente.

  • C'est vrai? Vous n'en direz pas un mot à qui que ce soit?

  • Mais non. Ce n'est pas la peine de vous cacher la prochaine fois. Vous pouvez enlever ce stupide foulard. À moins que vous vous vous soyez convertie?

  • Doux Jésus non. Je vais vous mettre dans la confidence. Je ne suis pas allée chez ma famille. Ces bougres ne m'ont pas offert de cadeaux pour mon anniversaire. Du coup, je m'en suis offert un. C'est un petit coup de jeune: quinze ans de moins!

  • Oh vous avez fait...

  • Ils appellent ça un lifting. Mais surtout ne le dîtes à personne. Toutes les commotions seront résorbées dans une semaine. Je pourrais faire mon grand retour à ce moment là.

  • Hortense, vous me surprendrez toujours.

  • Vous ne pourriez pas organiser une de vos fameuses réceptions sous un autre prétexte? Je pourrais m'afficher l'air de rien.

Josèphe pour seule réponse éclata de rire et partit effectuer son jogging en se demandant si elle serait pareille. Hortense, qui n'était pas fière d'avoir était découverte, se dit qu'il fallait qu'elle soit plus prudente. Elle se fit la réflexion que pour une personne âgée, elle avait encore une vie remplît de péripéties. Entre les ruses pour faire croire à son absence et l'enquête la Fragonard. D'ailleurs, le détective avançait.

Josèphe courrait en repensant à sa surprise de découvrir Hortense cachée dans le local. Cependant, elle fut arrêtée en plein élan. Son cellulaire vibrait. A voir le visage de Josèphe se décomposer, cela n'était pas pour annoncer une bonne nouvelle.


Il l'aperçut. Elle descendait un escalier suivie d'un homme. Son chemisier transparent laissé entrevoir sa lingerie rouge sang. Ses longues jambes paraissaient interminables. L'homme qui la suivait la quitta. Il avait peut-être une chance. Il la perdit de vue un instant, cachée par la foule qui s'agitait sur la piste de danse. Quand il la retrouva, elle était accoudée au bar.

  • Moi, c'est Peter. Je vous offre un verre?

  • Je n'ai pas le temps pour ça coco. Ça ne se voit peut-être pas mais je bosse là. Trouve toi une autre gonzesse à draguer.

  • Vous travaillez...mais ça ne me dérange pas de payer pour plus qu'un verre.

  • Qu'est ce que vous insinuez? Dégagez pauvre crétin.

  • Je suis désolé mais je vous ai vu revenir avec ce type et j'ai pensé que...

Luce Fragonard s'apprêta à répliquer. Cependant, elle n'en eut pas le temps. Une fille, sortie de nul part, lui balança une enveloppe sur le comptoir.

  • Tiens voilà ton fric.

  • Mélissa! Je suis heureuse de te voir. Tu veux boire quelque chose? Oh, mais qui t'a fait ces vilaines blessures?

  • Pouffiasse.

Elle partit aussi vite qu'elle était arrivée laissant Luce un sourire aux lèvres. Cette dernière glissa l'envellope dans son sac. Quand elle voulu reprendre sa conversation. Peter avait disparu. Il avait seulement laissé une carte de visite. Elle commença à la chiffonner et sans vraiment savoir pourquoi se dit que finalement elle pourrait peut-être la garder.


La fenêtre ouverte laissait entrer le chant des cigales. Frank avachi sur le lit profitait du paysage. Marta voulait découvrir la Provence. Elle ne pouvait pas être déçue. La vue de leur chambre ressemblait au décor d'un livre de Pagnol. Cette dernière s'affairait dans la salle de bain. Frank se dit qu'il allait encore passer une bonne matinée au lit. Cependant, Marta ressortit de la pièce emmitouflée dans un peignoir, presque boudinée. Il s'attendait plus à une nouvelle nuisette qu'à ça.

  • Marta, ça ne va pas? Tu as encore trouvé une boucle d'oreille dans la salle de bain? Mais puisque que je te jure que je n'aie pas couché avec la femme de chambre.

  • Je le sais bien. Mais, j'ai un problème.

  • Ah, je vois. Forcément, il fallait que ça tombe pendant notre semaine à deux.

  • Non ce n'est pas ça. Justement, j'aimerais bien que ça arrive.

  • Quoi? Pourquoi tu dis ça?

  • Je viens de faire un test de grossesse et...

  • Ne me dis pas que...

  • Si, il est positif.

Frank se redressa à moitié nu sur le lit. Il se disait qu'il rêvait, que cela ne pouvait pas arriver. Le sentiment qu'il ressentit alors était de la colère. Il ne savait pas pourquoi mais il en voulait à cette Marta. Pourquoi fallait-il qu'elle gâche sa vie. Il avait tout pour être heureux avec Josèphe. Il ressentit même de la haine.

  • Putain Marta! Ce n'est pas possible!

  • Au final, c'est peut-être une bonne chose.

Cette dernière remarque le fit bondir du lit. Il sentit sa main se lever, prête à s'abattre. Il ne comprenait pas comment elle pouvait dire ça. Tout d'un coup, il ressentit une douleur vive au poignet, puis au bras. Il commença à suffoquer.

  • Frank! Que t'arrive-t-il?

La douleur se rapprochait de sa poitrine. Elle fut si forte qu'elle l'obligea à se recroqueviller.

  • Je crois...je crois que je fais une crise cardiaque.

  • Au mon dieu!

  • Vite, appelle les secours.

La douleur le terrassait. Il perdit connaissance. Marta en sanglots ne savait pas quoi faire devant le corps inerte. Au loin, le champ des cigales résonnait.


À Londres, la pluie battait sur les trottoirs. Les passants s'engouffraient précipitamment dans les bouches de métro. Peter qui était dans le flot de personnes ne monta cependant pas dans le train à quai. Il le laissa partir et s'assit sur un banc. Quelques minutes plus tard, un homme vint le rejoindre

  • Bonjour Bradley.

  • Tu as réussi à l'approcher?

  • Oui, je lui ai parlé dans une boite de nuit.

  • Alors?

  • Laisse moi encore un peu de temps.

  • Très bien mais tu vas l'approcher de nouveau. Essaye même de sympathiser avec elle.

  • On a eu un premier contact assez rude mais ça devrait aller.

  • Fais de ton mieux.

  • Je dois la mettre dans mon lit si je comprend bien.

  • Tu enregistres vite Peter.

Une rame de métro arriva dans un vacarme assourdissant. Le jeune homme s'excusa et monta à bord. Bradley Médéric décida qu'il était temps d'informer ses clientes. Marta ne répondait pas, il se rabattit sur la seconde.

  • Hortense, vous avez cinq minutes à me consacrer?


Episode 9: Broken hearts

Résumé des épisodes précédents: Josèphe et Frank Sachs forment un couple heureux au Voltaire. Cependant, ce n'est qu'une apparence puisque ce dernier a une liaison avec la concierge Marta. Grâce à Pathy et son mari, des amis, ils ont réussi à s'accorder une semaine intime en France. Séjour pendant lequel Marta a appris sa grossesse. Annonce qui a provoqué un choc à Frank qui s'est retrouvé inerte aux pieds de sa maitresse.

  • Frank! Frank!

Marta affolée ne savait pas quoi faire. Elle ne connaissait pas le numéro des secours français. Elle attrapa le corps inerte entre ses mains et commença à le secouer. Frank ne réagissait pas. Perdue dans ce gite au milieu de la campagne provençale, elle perdit tout son sang froid et fondit en larmes. Tout d'un coup, elle entendit des voix par la fenêtre. Elle dévala les escaliers. Se retrouvant en robe de chambre dans la rue, elle vit au loin des promeneurs à vélo. Ils s'éloignaient. Elle savait que c'était sa seule chance de sauver Frank. Elle s'élança à leur poursuite.

  • Au secours, arrêtez vous! Arrêtez vous!

Elle hurlait autant qu'elle pouvait. Elle commençait à perdre son souffle dans cette course effrénée. Mais après un dernier appel à l'aide, un des touristes se retourna. Elle vit qu'il faisait signe aux autres de revenir sur leurs pas. Marta ressentit un énorme soulagement. Elle accourut à leur rencontre.

  • Mon ami, il a...il fait une crise cardiaque.

Mais voyant que les français ne comprenaient pas ce qu'elle tentait de leur expliquer, elle ne réfléchit pas et les fit entrer dans la maison. Elle monta à l'étage. Et, c'est alors qu'ils découvrirent le corps de Frank qui était maintenant pris de spasmes. L'un des français devait être un médecin. Il examina Frank et demanda à ses camarades d'appeler une ambulance. Avec toutes ces émotions, Marta était complètement déboussolée. Elle s'assit sur le lit. La pièce commença à tourner sous ses pieds. Elle eut à peine le temps de se dire qu'il ne fallait pas qu'elle perde connaissance aussi que ce fut déjà le cas.


Sa tête lui faisait horriblement mal. Les sonneries d'hôpitaux bourdonnaient dans ses oreilles. Marta ouvrit les yeux. Elle se demanda où elle était. Mais, l'horreur de la situation lui revint vite en tête. Les vertiges n'avaient pas totalement cessés. Elle tenta, quand même, de se lever. Une fois sortie de sa chambre, elle se retrouva à érer dans le couloir désert. Elle rencontra une infirmière. Cette dernière ne comprenait pas ce qu'elle disait et voulut la reconduire dans son lit. Marta, dans un grand effort de concentration, retrouva le peu de français qu'elle connaissait.

  • Je veux voir mon mari.

L'infirmière parut surprise.

  • La personne qui a fait un arrêt cardiaque est votre conjoint?

  • Oui, comment va-t-il?

  • Vous permettez, je reviens.

  • Mais attendez...

  • Patientez madame et détendez vous!

Marta s'assit désespérée sur le premier banc qu'elle trouva. L'infirmière revint accompagnée d'une collègue.

  • Quel est le nom de votre mari?

  • Son nom? Il s'appelle Frank Sachs.

  • Je ne comprend pas. Quand vous êtes arrivés, vous étiez tous les deux inconscients. Dans ce cas, la procédure nous impose de prévenir un de vos proches.

  • Je ne parle pas bien français. Pourquoi me parlez vous de procédure? Je veux savoir si mon mari est vivant!

  • Le premier numéro que nous avons trouvé était celui d'urgence dans le blackberry de monsieur. Le problème est que la personne, qui nous a répondu, a affirmé être sa femme. Elle s'appelait Josèphe...Josèphe Sachs.

  • Oh mon dieu! Vous lui avez parlé?

  • Je suis désolée...

Marta crut qu'elle allait perdre connaissance une seconde fois. Mais, elle se ressaisit et se dit qu'il fallait gérer les problèmes un par un.

  • Mais qu'en est-il de Frank?


Josèphe venait d'atterrir à l'aéroport de Marseille. Elle rejoindrait Frank en moins d'une heure en taxi. Elle ne comprenait pas. Il y a vingt-quatre heures, elle était partie faire son jogging et elle se retrouvait en France pour se rendre auprès de son mari. Ce dernier qui était censé être au Liban. L'infirmière lui avait signalé qu'une femme avait été admise à l'hôpital avec lui. Pendant le vol, elle s'était posée de nombreuses questions. Mais, le seul problème qui la préoccupait vraiment était l'état de santé de Frank. Quand elle se présenta à l'hôpital, un médecin vint la chercher.

  • Madame Sachs, je crains ne pas avoir de bonnes nouvelles. Quand nous vous avons appelé hier, votre mari venait d'avoir une crise cardiaque. Comme vous le savez, nous avons réussi à le réanimer. Cependant, il y a eu des complications dans l'après-midi. Elles n'ont pas été mortelles. Mais, elles l'ont plongé dans, ce qu'on appelle communément, le coma.

Josèphe sentit son cœur se serrer.

  • Vous voulez dire que...

  • Il reprendra peut-être connaissance dans la soirée, demain ou dans une semaine.

  • Mais, il peut aussi rester dans cet état des années?

  • Je ne vais pas vous mentir...c'est possible que cela dure longtemps.

  • C'est horrible. Je...je peux le voir?

  • Non. Pour le moment, il est en soin intensif. Nous avons une cellule psychologique si vous le souhaitez.

  • Merci mais je vais d'abord sortir. Juste pour que je fasse un peu le point.

Josèphe quitta le bureau. Dans l'embrasure de la porte, elle se retourna vers le médecin toujours assis à son bureau.

  • Merci de m'avoir prévenu rapidement.

  • Vous n'avez pas à me remercier. C'est la procédure.

  • Par ailleurs, savez vous qui était la femme avec lui?

  • Non, elle est partie hier soir et n'est pas revenue depuis.


Josèphe alluma une cigarette. Elle avait arrêté depuis qu'elle avait appris sa grossesse. Cependant, devant la situation, c'était le seul moyen qu'elle trouva pour ne pas s'effondrer. Elle ne comprenait pas ce que Frank faisait là, accompagné d'autant plus. Son téléphone vibra.

  • Pathy, c'est toi?

  • Oui chérie, j'ai appris ce qui était arrivé à Frank.

  • C'est affreux. Mais que faisait-il en France? Il devait pourtant être au Liban

  • Frank ne t'a pas prévenu? Mon mari a eu un imprévu. Il a dû rentrer à Londres avant hier. Pour s'excuser, il a prêté à Frank notre maison en Provence. Il devait finir de travailler là-bas.

  • Non, Frank ne m'a rien dit! Je ne savais pas que vous aviez une maison ici. Tu sais qui était la femme qui l'accompagnait?

  • Oh c'était Bétina, notre bonne française. C'est elle qui nous a informé hier dans la soirée. Tu aurais dû voir, à quel point, elle était affolée.

  • D'accord...Pathy, je dois te laisser.

Josèphe faillit en faire tomber son cellulaire. Au loin, elle venait d'apercevoir Marta. Cette dernière venait à sa rencontre.

  • Madame Sachs. J'ai fait aussi vite que j'ai pu.

  • Mais que faites vous là?

  • C'est Hortense qui m'a appelé hier. Votre ami Pathy est venue à votre appartement pour vous voir. Mais, vous n'y étiez plus. Heureusement que je séjournais en France, vous n'allez pas être seule pour surmonter cette épreuve. Qu'en est-il de Frank?

  • J'ai rendez vous avec le docteur qui doit me donner les dernières nouvelles. Pour le moment, il est inconscient.

  • Allons y. Partez devant, je vous rejoins.

Josèphe un peu abasourdie s'exécuta. Marta se rendit dans la première cabine téléphonique qu'elle trouva.

  • Pathy, c'est moi. J'ai l'impression que cela a fonctionné. Je ne sais pas comment te remercier.

  • Ne me remercie pas. Ce n'est pas toi que j'essaye de protéger mais Josèphe. Si jamais elle découvrait le pot aux roses, elle en aurait le cœur brisé.